Café-philo du 7 mai 2008 au Café des Arts à Poitiers

12 personnes présentes

Sujets proposés :

  1. Faut-il être sur de soi pour réaliser ses rêves ? [7]
  2. L’enfance est-elle la période la plus heureuse de la vie ? [7]
  3. Liberté, égalité, fraternité. Mythe ou réalité ? [1]
  4. Est-ce que donner un sens à la vie a-t-il un sens ? [2]
  5. Le voyage permet-il ce que le temps met peu à peu ? [8] sujet débattu
  6. Le mariage est-il comme un train ? [3]
  7. La vie est-elle un spectacle ? [2]
  8. Le pardon et l’oubli sont-ils la même chose ? [3]

L’explication de l’énoncé indique que le voyage, appréhendé comme une quête personnelle, nous incite à aller vers quelque chose, à sortir de (chez) soi, afin de nous aider à construire notre vie. Cette métaphore du temps qui passe, inscrit le voyage comme un accélérateur de notre propre réalisation… à moins que finalement, partir ne soit qu’une illusion, tant nous ne quittons jamais vraiment notre maison, notre SOI, car nos valises nous suivent toujours dans tous nos voyages !

On peut apprécier la notion de voyage de différentes manières : pour certains, il y a forcément un espace qui se crée entre un point de départ et un point d’arrivée, synonyme de déplacement ; il prend des allures touristiques. Dire que l’on peut voyager sans bouger est une pensée paresseuse. Il est initiatique pour le pèlerin et culturel pour les gens du voyage. Pour d’autres, le voyage peut être immobile, intérieur, spirituel, imaginaire, onirique, stupéfiant ou encore poétique… Finalement, le voyage peut se décliner de différentes façons et s’appréhender sur un axe qui va de la matérialité à la spiritualité… Mais il y a de commun à toutes ces déclinaisons, l’idée que le voyage nous conduit à partir d’un (chez) SOI, pour aller vers un ailleurs. Si l’on s’accorde sur cette approche du voyage, il n’en demeure pas moins deux questions.
“Qu’est-ce que le temps met peu à peu…”
“Le voyage le permet-il vraiment (ce que nous aurons dit que le temps met peu à peu).”

La première question renvoie à l’implicite de la proposition et c’est sans doute en partie cela qui nous rend perplexe à son énoncé. Le temps met peu à peu quoi ? Pour ma part, j’entends ce que le temps met peu à peu … à réaliser et, implicite dans l’implicite, à … se réaliser.

Ainsi, avons-nous besoin de temps, d’une vie même (ce qui pour certains constituent un voyage en soi : notez l’ambiguïté de la formulation.), pour nous réaliser, c’est-à-dire devenir nous-mêmes, être SOI. L’implicite nous renvoie encore à l’idée que chacun aurait besoin d’une extériorité, un ailleurs, pour bâtir son (chez) SOI. C’est dans la rencontre de cette autre réalité que nous puiserions les aliments qui nous enrichissent et nous aident à grandir. Mais on voit bien comment cette finalité accordée au voyage est fragile, faute de pouvoir la définir plus précisément que par analogie ou métaphore. Bâtir son (chez) Soi, ce serait grandir, s’enrichir… Pis encore, l’implicite nous conduit à imaginer que se réaliser constituerait un but à atteindre, une sorte de destinée à laquelle il faudrait advenir. Le « deviens ce que tu es » de NIETZSCHE nous assigne ici à n’être, au mieux, que l’opérateur de ce qui est écrit pour SOI !

Être SOI, finalement est-ce autre chose que d’être heureux ?
Chacun selon sa conception du bonheur, pour être dans le relativisme, ou plus philosophiquement, chacun dans la réalisation de ses désirs. Mais ceci est un autre débat…

Psychologiquement, être SOI, ce serait être en accord avec soi même, dans la congruence de son propre idéal (du MOI, bien sur) ; évaluation rendue possible par la réflexion et l’introspection. En tentant un retour philosophique, on pourrait peut-être tenter l’idée qu’être SOI, c’est plus qu’être, c’est exister.

Le concept d’ipséité nous éclaire aussi sur le SOI, en tant qu’il est constitué par une quasi normalité : être comme tout le monde, et une singularité : être unique. Le SOI est à l’interface du particulier et de l’universel mais en plus, il s’écrit dans la durée ; être toujours identique à soi-même et toujours différent. Ainsi, le SOI n’est-il pas en rupture avec lui-même dans son évolution mais dans une transformation qui l’amène à devenir différent, tout en se reconnaissant lui-même. C’est le processus qui nous conduit à reconnaître notre identité (je suis Moi), à 15 ans comme à 80 ans et cela, bien que j’ai changé.

Mais avoir donné un explicite possible à la question : le temps permet peu à peu… de se réaliser, ne répond pas à la question de savoir si le voyage le permet.
Quand celui-ci est-il itinérance et quand est-il errance ?
Il y a dans l’errance le sentiment d’un voyage (peut-être ?
au sens où l’on va ailleurs) d’une déambulation en tout cas, qui serait sans but, sans objectif et sans retour prévu. Une sorte de fuite de (chez) SOI dans laquelle l’errant (juif ou pas) se diluerait jusqu’à se perdre. Son (chez) SOI n’est plus alors qu’un ailleurs sans fin, sans but et sans raison. Si l’on peut faire abstraction d’un chez-soi matériel, c’est-à-dire de ses racines quelles qu’elles soient (sa maison, sa famille, son chien, son travail,..), faire abstraction d’un SOI, semble ouvrir la porte vers la folie.

L’itinérance est balisée, anticipée et elle impose un retour chez SOI. C’est d’ailleurs par l’image de son retour chez SOI que la rencontre du voyage devient possible et potentiellement enrichissante. Quel que soit le dépaysement, il est vivable car nous conservons nos repères internes, nos racines. Ce dépaysement s’inscrit dans une démarche et c’est pour cela qu’il prend du sens, c’est-à-dire une signification et une orientation… un itinéraire. Ce sont les dispositions intellectuelles dans lesquelles nous voyageons dans la vie qui nous permettent…

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