Café-philo du 14 mai 2008 au Café des Arts à Poitiers

14 personnes présentes.

Sujets proposés :

  1. Les personnes du café-philo sont-elles réfractaires au changement ? [8]
  2. Le va et vient est-il à la base de tout plaisir ? [5]
  3. Vaut-il mieux ne pas avoir d’amour-propre ? [4]
  4. Mûrir est-ce mourir un peu ? [5]
  5. Qui a le pouvoir ? [7]
  6. Sommes-nous vraiment trop nombreux, ou c’est dans l’idéologie ? [5]
  7. Faut-il tout péter ? [6]
  8. Faut-il être sur de soi pour réaliser ses rêves ? [10] sujet débattu
  9. Est-ce que l’artiste est incontournable pour créer un lien entre les traditions et les cultures ? [6]

Sous-titre : I had a dream

Avertissement : cette première partie est une traduction de l’espagnol, puisque c’est dans cette langue que s’est faite l’introduction. Vous voudrez bien en excuser les imperfections !

C’était un beau sujet ! C’est un beau sujet que nous eûmes que le temps d’effleurer. Déjà certains s’enflammaient sur l’antagonisme irréductible entre le rêve et le réel, constitué par deux réalités distinctes, alors que d’autres préféraient tenter un lien quasi dialectique de l’un à l’autre ; une sorte d’encouragement rétro actif dans lequel l’un s’étaierait sur l’autre et « lycée de Versailles » !

Le poète est un rêveur qui crée sa propre réalité en s’inspirant sensiblement et intellectuellement du monde. Ainsi l’imaginaire, dans la fonction artistique, pourrait constituer un passage entre le rêve et le réel, à partir duquel advient la réalité. Car réaliser, n’est-ce pas l’étape finale d’un processus au cours duquel, nous appuyant sur une donnée brute constituée par le réel, nous projetons notre sensibilité, notre volonté, notre rationalité pour essayer de faire entrer le virtuel dans le réel, c’est-à-dire, notre réalité ?

Il est cependant honnête de dire que parfois le rêve devient autonome, c’est-à-dire qu’il se prive du réel et même de la réalité pour exister. De manière pathologique, il peut, chez certains psychotiques, y avoir une confusion temporaire ou durable, entre le réel et l’imaginaire. Le terme d’imaginaire est d’ailleurs contestable car, on évoque une confusion entre réel et imaginaire, alors même que l’on caractérise la psychose par une absence d’imaginaire ! entre autre. Si l’on entend donc que l’imaginaire est une sorte de rêve (de rêve éveillé bien sur), ou du moins qu’il s’en nourrit, on ne peut pas prétendre qu’il y ait une nécessité d’être sûr de soi pour réaliser ses rêves.

On commençait aussi à clarifier l’idée que vouloir réaliser ses rêves, ce n’est peut être que le but unique de la vie, c’est-à-dire rechercher le bonheur. Mais alors, n’y aurait-t-il pas un amalgame entre rêve et désir ?

Autre perspective qui s’annonçait, dans le danger d’épuiser ses rêves en les concrétisant, au risque de sombrer dans une utopie mortifiante et sans ressort. Mais l’Homme n’est-il pas une machine à rêver qui, s’appuyant sur sa réalité, tente de la dépasser, de s’en extirper par le rêve, pour la reconstruire ?

On avançait sur l’idée que le réel constitue une matérialité qui résiste et que l’assurance personnelle peut ébranler, si tant est qu’elle s’associe à la conviction, la volonté, le charisme,…

Quelqu’un évoquait que l’on ne peut réaliser ses rêves car le rêve relève de l’inconscient, qui constitue une réalité en soi (en ça, pourrait on dire). On s’approche ainsi de l’idée que, non seulement le rêve n’aide pas à construire le réel mais s’inscrirait davantage dans sa déconstruction…

Enfin, on n’a peut être pas parlé de cela, mais on l’aurait fait si l’on n’avait pas changé de sujet en cours !! C’est ce que je disais, on a simplement caressé le rêve d’en parler, mais la réalité nous a rattraper. Le clash est venu de ce que quelqu’un à voulu changer les règles du débat philo. Non pas en cours de route. L’explication de ce changement s’est faite avant de débuter, dans ces raisons et dans ces attendus. De quoi s’agit-il ?
De redonner du tonus au débat, trop lent, trop redondant, du fait de la prise de parole de la part de certains rhéteurs, pour redire ce qui à déjà été dit par d’autres, ou de prises de parole trop longues, de digressions par rapport au thème choisi, de discours plan-plan (sic), de personnes qui s’écoute parler et ne contribuent pas au débat collectif (alors là, moi je peux donner des noms, oui Môsssieur !).
La personne qui propose le changement s’appuie sur quelques techniques d’animation de réunion que je qualifie de semi-directives : reformulation, demande d’approfondissement, distribution aléatoire de parole, maîtrise du temps de parole de chacun, etc. Je dis que le clash est venu de ce que quelqu’un a voulu changer les règles, mais ce n’est pas exact. Ces propositions ont été discutées (insuffisamment) adoptées par votation démocratique et mises en œuvre.
Le clash est venu d’une intervention intempestive au cours du débat (celui sur le rêve, décidé démocratiquement par votation, selon les règles anciennes ; suivez un peu, c’est déjà assez compliqué comme ça) qui a remis en cause de façon non démocratique et prématurée les nouvelles règles qui commençaient à s’appliquer. Ha, la démocratie, la démocratie !! Faut-il passer par le vote pour que s’exerce la démocratie ?

Certains ont voté oui, pour voir ! Oui, mais on n’a pas vu puisque l’expérimentation n’est pas allé à son terme. (Ça me rappelle quelque chose mais je n’arrive pas à savoir quoi….). D’autres ont voté pour démontrer que cette proposition ne pouvait pas tenir.
Là, c’est pervers (là aussi, je peux donner des noms, Môsssieur). Enfin, non, il paraît que ce n’est pas pervers ; c’est un mode de démonstration par l’absurde (sic) ! D’autres n’ont pas voté ; pas voté parce qu’on leur a pas demandé leur avis. C’était la démocratie du oui, un point c’est tout ! Non, c’est idiot de dire cela et injuste ou en tout cas, réducteur. Tout simplement parce que la démocratie ne peut se résumer à un vote : qui vote et qui ne vote pas ?

Les hommes, les femmes, les vieux – qui ne font plus tout à fait partie de la catégorie des hommes et des femmes
– les mineurs – qui n’en font pas encore tout à fait partie
– les débiles – qui n’en feront jamais partie
– les étrangers, enfin les vrais, pas les européens qui ne sont plus de vrais étrangers, sauf peut-être les allemands qui le sont toujours un peu…, oui bah, les ritals c’est pas mieux (au fait, on dit les ritals ou les ritaux ?
– non, déconne pas, tu vas être poursuivi pour incitation à la xénophobie…) oui, bah les ritals, c’est quand même mieux que les rosbeefs (question bouffe en tout cas, y’a pas photo) qui sont mieux que les roumains…

Enfin bref, ils peuvent voter en fonction du périmètre du scrutin. C’est-à-dire que je leur donne le droit de voter, s’ils votent pour moi. Et puis, les élections, c’est aussi l’Irak, l’Iran, le Maroc, etc. (non, alors là, fait vraiment gaffe ! tu veux qu’on lance une fatwa sur toi, toi ?).

Bon, en plus je m’emporte et surtout je m’éloigne du sujet, et ça, ce n’est pas bien… Tout ça pour dire qu’on s’est mis d’accord démocratiquement à la majorité, pour expérimenter une nouvelle formule qui a été contestée non démocratiquement ; ce sur quoi la majorité était finalement d’accord !?! Ha, la démocratie !

Moi, tout cela me fait penser que ce qui prime, ce n’est pas tant la forme que prend la décision mais la pertinence de la décision qui est prise. Autrement dit, le contenu, le sens des choses est toujours plus puissant que le chemin que nous prenons pour nous en saisir.
Mais je reconnais qu’il y a un lien de l’un à l’autre. D’ailleurs, tous les chemins ne mènent ils pas à Rome (non, mais t’es con. Tu veux te mettre le Vatican à dos maintenant et te faire excommunier ? Fais gaffe, vieux). Enfin, cette situation, qui n’est pas inédite pour les caciques du café-philo qui en constituent le noyau dur, était un petit bordel plutôt instructif et peut-être constructif – à suivre- (alors là, t’es rayé de la carte. Même au café-philo ils ne voudront plus de toi. Ou alors, il faut que tu changes tes règles de conduite). Justement, la question est là : faut-il changer les règles du débat philo ?
– Pourquoi changer les règles ?
– Changer les règles pour quoi ?
– Comment changer les règles ?
Mais ces questions sont secondes. Elles se contentent de mettre un pont entre le contenu et la forme, ce qui n’est déjà pas si mal. Pour moi, la question centrale reste : qu’est-ce que j’attends du café-philo ? Si j’y trouve ce que j’en attends, je n’ai pas besoin d’en modifier l’organisation et le fonctionnement, ou à la marge seulement. Si je revendique le changement alors que j’y trouve mon compte, je suis stupide, ou pervers. Ou alors je suis la mode : « il faut changer, car cela permet d’avancer. Celui qui ne change pas recule… »
Oui, moi je crois que les gens qui changent sans analyser les causes de leur aspiration au changement, ils font du vent, ils jouent les ventilateurs et ils risquent de s’enrhumer et surtout ils tournent en rond : les derviches-tourneurs du changement ! Enfin bref, la question doit porter sur l’objectif collectif et la satisfaction que chacun trouve dans cette réponse : Satisfaire son désir. Oui, le problème, c’est que le désir peut s’exprimer au travers un enjeu de pouvoir. S’approprier les règles devient alors synonyme de s’approprier le pouvoir. Et c’est là où la forme se met à primer sur le fond. Je trouve étonnant que ce soit par ce prisme que plusieurs explications ou autres résistances soient énoncées par différents protagonistes du café-philo. Je ne comprends pas de quel pouvoir il est question, de qui sur qui et pour quelle(s) fin (s)…
j’y vois personnellement un échange de savoir.
« Oui mais, avoir le savoir, c’est avoir le pouvoir ».
« Ha, oui. Trop forte celle-là. Je la copie et je la ressort ».

En revanche, j’ai quand même un doute sur cette inclination. Mon présupposé, c’est qu’un café-philo sert surtout à philosopher et un peu à boire du café ! Donc, j’y vais dans cet esprit, même si je ne sais pas très bien ce que philosopher veut dire et que je n’aime pas le café. Quand même, je trouve que la manière d’aborder les sujets s’exprime tendancieusement sur un versant politique (ou politisé serait plus exact) :
Pas les sujets en eux-mêmes, mais une certaine façon de les récupérer. Peut-on y voir une symbolique de l’arène politique dans laquelle s’exerce une lutte de pouvoir et qui constituerait une sorte de détournement d’objet. Peut être que l’histoire des café-philo éclairerait ma lanterne … terne.
Je pense qu’il existe un champ constitué de la philosophie, comme il existe un champ constitué de la politique qui évoluent, avec des concepts spécifiques et donc des discours et des constructions intellectuelles idoines.
Il y a donc une discrimination à opérer entre ces deux approches.

En revanche, je pense qu’un même objet peut appartenir à différents champs, mais c’est alors la manière de le traiter qui sera différente. D’où mon interrogation ; les débats ne prennent-ils pas une tonalité politique dont la philosophie ne serait que le cache sexe, parce que l’enjeu est politique ? En même temps, je dis parfois la même chose par rapport à la psychologie, la psychanalyse, et quelqu’un l’a évoqué au sujet de la sociologie, etc. C’est-à-dire que, à partir du moment où l’on considère que tout objet est philosophiquement abordable, on peut se saisir d’un objet plutôt économique (le marché), plutôt médical (la santé), plutôt sociologique (la famille) etc.

La gageure consiste à pouvoir traiter le sujet en s’appuyant sur le lien que cet objet entretient avec son champ matriciel, tout en le décalant vers la philosophie grâce aux liens que l’on va tisser entre cet objet et les concepts philosophiques (y en a encore un qui suit ?).

Mais au fait, la bonne question n’est-elle pas de savoir si les café-philo entrent dans le champ de la philosophie ou de la bistroterie ?

J’imagine que tous ces débats ont déjà eu lieu ; sans moi hélas. Il faut donc que je me résigne à retourner au café-philo, si je veux en savoir plus. Surtout qu’il y a un « sujet » en suspension…

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3 commentaires

  1. Bonjour,

    …… il s’est passé quelque chose !!…
    en fin de semaine dernière ou en début de cette semaine (peu importe, mais c’est un évènement récent), sur France-Culture, lors d’une émission animée par Finkielkraut, ce dernier recevait des invités pour « philosopher » sur la période de Mai 68 (c’est à la mode actuellement….), quand au bout de 20 minutes, ont fait irruption dans le studio un groupe de manifestants « défense des immigrés » (ou qq chose dans ce genre…) pour occuper l’antenne et faire passer un message. Après négociation, il leur a été accordé 10 minutes durant lesquelles ils ont dénoncé (entre autre) la routine et le « ron-ron » de ce genre d’émission alors que des immigrés, des humains se battaient pour obtenir ce que l’on sait !!
    Avant de quitter le plateau, les manifestants ont traité l’animateur de « croque-mort de la culture » et lui auraient fait un « doigt d’honneur » ’impossible de savoir à la radio…)

    Tout d’un coup, l’émission est devenue (pour moi), et sûrement pour d’autres personnes, plus captivante, car c’est vrai, je ne m’en rendais pas compte mais l’émission était monotone, soporifique et sans intérêt. Là, il se passait enfin qq chose et de plus, en direct !!! cela devenait excitant !! c’était du vrai, ça prenait du sens !!

    Mercredi 14 mai, au café-philo, il s’est passé qq chose !!
    qq chose qui devrait nous être profitable, enrichissant et constructif.

    il a été proposé une « nouvelle formule » d’animation, adoptée, puisque votée à la majorité.
    or puisque le sujet de ce débat « devait » traiter du rêve, il existe bien dans toute situation une part de Rêve, ce que l’on désire, ce que l’on souhaite, ce que l’on espère, ce que l’on attend….
    et l’autre part qui relève de la Réalité, implacable, inexorable, et pas toujours conforme au rêve.
    Dans toute expérience se voulant novatrice, le changement peut emprunter deux directions :
    l’une vers le bon, le bien, le meilleur, le positif…. et l’autre : (à vous de remplir les cases….)

    Curieux et impatient de « tester » la nouvelle formule de présentation et d’animation, j’ai voté oui à la proposition mais j’ai bien vite « déchanté » devant la tournure des évènements.
    Cette formule préconisant la spontanéité, le « direct », ….. s’est discréditée d’elle-même, puisqu’elle donnait « en direct » la preuve qu’elle était inaplicable et qu’elle ne pouvait pas fonctionner. Quelle preuve ? celle de démontrer qu’elle ne pouvait pas mettre en pratique ce qu’elle-même défendait et préconisait, celle (la preuve) de faire en sorte que la passion l’emporte sur la raison, j’appelle cela tout simplement « scier la branche sur laquelle on est assis ».

    Certes, je crois que l’on peut toujours améliorer une formule, et c’est notre rôle à tous que d’apporter des idées, certes, « il y a toujours mieux », tout est perfectible et la pensée critique et le doute ne doivent pas nous quitter….
    reste à trouver la meilleure adéquation entre l’intérêt pour un sujet, pour le débat (faire en sorte que l’on ne sorte pas d’un café-philo frustré, déçu….), le temps de parole de chacun (très important, cet endroit doit rester un « lieu de parole »), et d’autres choses….

    on en re-discute… Jean-Jacques.

    1. Le sujet originel était « Faut il être sur de soi pour réaliser ses rêves? »
      Et bien la preuve est faite, la personne qui a essayé de réaliser son rêve n’y est pas arrivée, peut-être n’était elle pas assez sur d’elle ;)

      1. La notion de réalisation je pense n’est pas compatible au rêve.

        On réalise un projet,une entreprise,un voyage ect…

        tout ceci reste dans la réalité,le réel, la vie, le monde ect…

        or un rêve qui est une projection imaginative, une vision ou imagination de la réalité, cesse de l’etre lorsque la réalisation commence.

        Pour cela est sur de soi : celui qui réalise.

        Car en effet la réalisation est le rêve même.

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