Café-philo du 30 avril 2008 au Café des Arts à Poitiers

19 personnes présentes.

Sujets proposés :

  1. Rêver permet il de mieux comprendre la réalité ? [4]
  2. Qui est comme tout le monde [5]
  3. Faut il faire tout péter ? [8]
  4. Le travail sauve t-il de tout ? [3]
  5. La place de l’artiste dans nos sociétés d’aujourd’hui ! [7]
  6. L’artiste est il un être d’exception ? [9]
  7. La musique adoucie-t-elle la vie ? [7]
  8. Un savoir scientifique sur l’homme est il compatible avec l’idée de liberté ? [10]/[7]
  9. Faut il être sur de soi pour réaliser ses rêves ? [4]
  10. Peut on mourir d’amour ? [5]
  11. La créativité artistique est elle le bourbier de l’humanité ? [4]
  12. Qu’est ce que la féminité ? [10]/[12] sujet débattu

La question fait suite à un précédent débat sur la virilité. La féminité est elle intrinsèque à la femme ou l’homme est-il pourvu de féminité ? Qu’est-ce qu’être femme.

Il faut peut être distingué ce que l’on nomme féminité en rapport avec le féminin et le féminisme. Est féminin, ce qui est propre à la femme ou ce qui se rapporte à la femme ! Ou pis encore, qui manifeste des caractères considérés comme propre à la femme !! La femme étant elle-même définie comme un être humain de sexe féminin !!!

Nous avançons à grand pas dans notre compréhension de l’indicible féminin. Mais finalement, la problématique est là qui se pose doucement mais fermement : que peut on discerner qui soit propre à la femme, c’est-à-dire qui relève de sa nature, de l’essentiel féminin, de ce qui ne l’est pas ; autrement dit qui relèverait d’un construit ?

Il est certes difficile de retrouver cette nature féminine après des millénaires de construction sociale et culturelle ou chacun, hommes et femmes ont été aliénés à un ordre social, une organisation sociale, des rôles sociaux… pour autant nous pouvons, en considérant que cela n’a pas trop changé depuis la préhistoire, afficher des différences effectives sur le plan physique et notamment sexuel.

L’homme est doté d’un sexe qui lui permet, nous nous plaçons là dans la plus commune des situations, érection et pénétration. Le sexe de la femme est quand à lui non érectile (ne rentrons pas dans les détails je vous prie) et la femme est pénétrée.

La tentative consiste ici à positionner le féminin et le masculin, en nature, à partir d’un jugement de réalité qui repose sur une caractéristique physique peu contestable : est féminin celui qui est pénétré et masculin celui qui pénètre. L’intérêt de cette approche, consiste à s’affranchir de toute connotation de supériorité. Elle n’opère pas un jugement de valeur qui consisterait à positionner le pénétré comme soumis et le pénétrant comme dominant. Elle ramène incontestablement à l’essence. Ainsi peut-on dire qu’on nait femme et qu’on ne le devient pas !! Le problème que cela pose (à moi en tout cas), c’est que cela répond à la définition « ce qui est propre à la femme », c’est-à-dire ce qui est féminin mais pas ce qui est féminité. Et encore, dois-je faire un effort d’extrapolation.

D’une part, je suis retenu par ma difficulté à hisser cette proposition – pénétrant/pénétré – au niveau symbolique. Peut-être que la psychanalyse pourrait soutenir ma réflexion dans ce domaine et m’aider à passer du physique au métaphysique. En restant lamentablement à la compréhension physique de cette proposition, je me dis que l’homme qui n’a plus d’érection et donc ne pénètre plus, n’est plus un homme.
En devient-il une femme pour autant ? Non, sauf à considérer qu’une femme est un sous homme, puisqu’on deviendrait femme par la perte d’une partie des fonctions naturelles de l’homme.
Qu’en est-il également des homosexuels (elles) qui sont potentiellement pénétrants et pénétrables et effectivement l’inverse de ce pour quoi ils sont dotés ! Doit-on dire de l’homosexualité qu’elle est contre nature, que c’est une erreur de la nature (il faut entendre ici que la nature ferait mal les choses en plaçant un sexe contraire à l’inclination sexuelle et identitaire ?!?), ou encore que c’est un construit social ?

D’autre part, il me faut inférer de cette proposition initiale, d’autres conséquences. Ce qui est propre au féminin, c’est d’être pénétré, d’accord, mais aussi d’avoir des ovaires, donc de pouvoir procréer, d’où l’instinct maternel et… ah non, là, la ligne blanche est franchie. Nous entrons ici dans un rapport de domination hommes/femmes qui permet le maintien de l’ordre social par la soumission de cette dernière et son éviction des zones de pouvoir… patatras ! Collision (au lieu de collusion) entre l’inné et l’acquis, l’essentiel et l’existentiel, la nature et la culture etc.

La question prend une tournure politique dans laquelle les féministes se rappellent à notre bon souvenir… Peut être faut il accepter, pour accéder à la compréhension de la féminité et de la masculinité, de sortir de ce débat d’opposition entre nature et culture, versus politique (comme certains cherchent à sortir du débat d’opposition entre hommes et femmes.
Il semble à ce sujet, que cela soit très occidental de définir l’homme et la femme par leur contraire alors que pour les extrême-orientaux, il y a une recherche pour relier les contraires qui conduit à un entrelacement complémentaire) et d’appréhender la question dans l’ici et maintenant.

Féminité, ensemble des caractères propres à la femme ou jugés tels. Cette définition nous aide à penser que la féminité relèverait certes d’une innéité (que nous avons du mal à dire) mais aussi d’un jugement, personnel ou collectif, c’est-à-dire arbitraire ou objectivé, intrinsèque ou extrinsèque, relatif à une époque, à un espace : les caractéristiques de la féminité en France, ne sont pas les mêmes que celles des Trobriandais. Ces caractéristiques ont échangé entre 1700 et 2008. Dépassant ici la constante physique, la féminité s’affranchit de la sexualisation des rapports.

La féminité, comme la mise en relief des caractéristiques plus présentes, relativement, chez les femmes, peut se retrouver chez un homme, et ceci quelle que soit la « nature » de ces caractéristiques : le cerveau de la femme est plus petit que le cerveau de l’homme, les modes de penser de l’un et de l’autre sont différents, la femme est plus sensuelle, l’homme est plus fort physiquement, la femme est plus accueillante, l’homme est plus rationnel, etc.

La féminité s’inscrit dans la réalité de son époque et de son environnement social et ne tient pas compte des enjeux militants et politiques. La femme se sent féminine par le regard que l’Autre porte sur elle et par le regard qu’elle-même porte sur elle.
Ainsi ne nait-on pas femme mais le devient-on !! Mais attention à ne pas inscrire ces caractéristiques dans une vulgate qui relèverait des présupposés de comptoir (ceci n’est pas une allusion péjorative aux cafés philos).

Il est intéressant de discriminer ce qui identifie l’homme et ce qui identifie la femme (comment peut on parler de complémentarité si l’on ne situe pas de différences ; si c’est pareil, ce n’est pas complémentaire, c’est pauvrement pareil !!) afin de le situer dans une constante catégorielle presque une constante identitaire.

En revanche, (et pour ceux qui placent le débat dans le champ politique) soyons attentifs à l’utilisation que l’on fait de ces discriminations. Au contraire de ce que disait MARX, la femme n’est pas un homme comme les autres (version Groucho et pas Karl).

Les féministes, quand à elles, semblent rejeter l’idée de ces disparités entre les hommes et les femmes. Ainsi, ne veulent-elles pas entendre parler de féminité qu’elles considèrent comme un diktat poser par l’homme sur la femme. Cette position serait accréditée par une sorte d’ingratitude physique et esthétique chez les militantes qui les acculerait à ce déni de la féminité !!!
Plus sérieusement, les féministes dont l’origine remonte au XVIII ème siècle, préconisent une extension et une amélioration des droits et du rôle des femmes dans la société. Le mouvement s’inscrit dans une démarche militante ces cinquante dernières années et revendique l’abolition de toutes discriminations entre les hommes et les femmes et la libre disposition de son corps.
On peut penser que ce mouvement a contribué à la féminisation de la société où les rôles sociaux ont été partiellement redistribués. Si l’on accepte l’idée que la façon d’être détermine, au moins partiellement, l’être, alors on peut mieux comprendre « l’androgynisation » de la société, par la féminisation du masculin et la masculinisation du féminin au travers de la réaffectation des places et des pratiques, elles mêmes fondant un rapport nouveau entre l’homme/femme et son objet et donc une sensibilité nouvelle.
Ainsi ne serait-ce pas uniquement l’organe qui, créant la fonction, crée l’identité (ce n’est pas parce que je peux procréer que je me sens mère ou que je dois me sentir mère) mais aussi la fonction qui amène le sentiment identitaire (c’est parce que j’assume une fonction maternante que je me sens mère et que je le deviens).

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