Café-philo du 10 octobre 2007 au Café des Arts à Poitiers

26 personnes présentes.

Sujets proposés :

  1. Pour philosopher faut-il commencer à douter de tout ? [14]/[12]/[8]
  2. Le bonheur est-il dans l’action où dans la pensée ? [8]
  3. On n’arrête pas le progrès ? [2]
  4. Peut-on se passer du quotidien ? [9]
  5. La jalousie est-elle un aveu d’échec ? [14]/[12]/[9] sujet débattu
  6. Quel goût a l’effort ? [2]
  7. L’action peut-elle être désintéressée ? [10]
  8. Y a-t-il de l’espoir sans volonté ? [7]
  9. Ensemble tout est-il possible ? [2]

– La jalousie relève d’un sentiment, d’une émotion. Ce sentiment est il chronique (c’est-à-dire finalement pathologique) ou ponctuel et pouvons nous le contrôler ? Si certains considèrent que l’on peut maîtriser ce sentiment, ce qui passe par la prise de conscience, d’autres penchent pour son irrationalité. On peut en prendre conscience et le maîtriser intellectuellement mais la raison ne domine pas toujours le sensible ; a fortiori, lorsqu’il est question d’amour, sentiment lui-même peu rationnel.
– La jalousie est de l’ordre du miroir, c’est-à-dire que dans le manque ou la perte de l’objet de nos désir, réelle ou potentielle qu’elle nous annonce, elle nous inflige une blessure narcissique ; nous ne sommes pas capable de posséder l’ objet de nos désirs alors qu’un Autre le peut. Cela relève autant du manque de confiance en soi (de sa propre valeur) que dans l’Autre.
– La jalousie, c’est l’incapacité à partager l’objet aimé.
– La jalousie est elle comparable à l’envie ou bien ne porte t-elle que dans le rapport amoureux ?
– L’envie pourrait être ce que l’on ne possède pas et que l’on convoite, tandis que la jalousie serait la peur de perdre ce que l’on possède.
– Dans chacun de ces deux termes, il y a une présomption de propriété, de possession ainsi qu’un objet aimé, quelque soit la nature de cet objet ; une personne, une voiture, etc.
– La société contemporaine développe beaucoup le fait que sa propre valeur se mesure à l’aune de ce que l’on possède et donc parallèlement le sentiment de frustration et de jalousie (ou d’envie.
– Il y a donc dans la jalousie comme dans l’envie, la présence de l’amour et plus généralement d’un objet libidinal. Alors, être jaloux de son voisin, implique t-il de l’aimer un peu ? Certes non ! Car jalousie et envie convoquent l’une comme l’autre trois « entités » : moi, l’Autre et l’objet de mes désirs, quel qu’il soit. Ainsi l’amour va-t-il vers cet objet et non pas vers celui qui m’empêche d’y accéder. Tout au plus puis-je avoir de la haine pour ce dernier. Mais la haine et l’amour ne sont-ils pas deux sentiments mêlés ? C’est-à-dire de l’amour plus de la peur ! Dans cette histoire à trois, qui hais-je ? L’objet de mes désirs ou celui qui me le prend ? Si c’est ce dernier, il n’y a pas d’amour pour lui et donc, la haine que je lui porte est une conséquence de ses actes ; une conséquence de l’amour pour l’objet de mes désirs mais pas de l’amour à son égard. Puis-je haïr l’objet de mes désirs (puis je haïr une voiture, par exemple ?) c’est peu probable. Ainsi, ces deux sentiments ne se confondent pas mais ont un lien par l’intermédiaire d’un tiers. Mais on peut haïr quelqu’un qu’on a aimé ! Ou est le tiers alors ? Le tiers est l’amour disparu, c’est-à-dire non plus la personne aimée en temps qu’objet de mes désirs mais en tant qu’idéal de l’Amour que l’on cherchait. Car il y a en toute chose, dans notre rapport au monde, le monde et le phantasme du monde que nous élaborons. D’autres disent nos représentations. Nous n’abordons pas la réalité dans son objectivité mais dans sa relativité (image partielle du monde) et dans notre subjectivité. C’est en cela que nous fantasmons le monde ; c’est en cela que l’amour est un amour vécu et idéalisé. Lorsque nous haïssons l’ancien objet de nos désirs c’est que celui-ci s’est déplacé et qu’il est devenu un Autre, nous volant notre idéal d’amour. D’autre part, cette détestation nous permet, d’un point de vue psychologique, de nous protéger sur le plan narcissique, en considérant cet Autre comme mauvais objet. Mais parfois, il n’y a pas de tiers. On peut être jaloux de son partenaire parce qu’il sort, sans qu’il y ait pour autant une troisième personne. Si, cette troisième personne existe ; mais elle existe dans le phantasme que l’on construit de sa présence, renvoyant ainsi à une posture psychologique (voire pathologique) de la jalousie.
– La jalousie semble mettre à jour le sentiment que l’autre dépendait de nous et que cela n’est plus le cas. A moins que cela ne signifie notre dépendance à son égard. – L’envie, au contraire de la jalousie, peut renvoyer à quelque chose de dynamique : je vais essayer d’obtenir ce que je ne possède pas. Il y a ainsi une recherche de dépassement.
– Il n’y a pas de jalousie en amitié ! L’amitié c’est l’amour sans sexe.
– De quoi la jalousie serait elle l’échec ? Quel est l’objectif que l’on n’a pas atteint ? Il y a peut-être la encore, l’échec de l’amour idéal.
– La jalousie, c’est l’échec du couple dans son concept et dans sa réalité. Ceci est une exagération, car sinon nous pouvons dire, à partir d’un couple qui fête ses noces de « je ne sais pas quoi », que c’est la réussite du couple dans son concept !! Non, l’un et l’autre ne son qu’échec ou réussite dans leur réalité.
– Le couple est un concept catholique, dans lequel ; le désir est oblitéré, … ou peut-être simplement canaliser, comme toute organisation sociale exige de structurer ses désirs et pulsions.
– « Le couple, c’est ne faire qu’un : le tout c’est de savoir lequel ! »
– L’idée qu’on avouerait son échec conduit à penser qu’il y a une responsabilité de cet échec et aussi une culpabilité ! Mais de quelle culpabilité s’agit il ? « C’est parce que la jalousie est un vilain défaut ! ». Plus sérieusement, c’est l’aveu de son mal-être et de son incapacité à avoir pu conserver sa chose.

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