Café-philo du 9 janvier 2008 au Café des Arts à Poitiers

17 personnes présentes.

Sujets proposés :

  1. Sommes-nous civilisé ? [7]
  2. Faut-il être en paix avec soi même avant d’être ne paix avec les autres ? [0]
  3. Que penser de notre proximité flagrante avec le cochon ? [7]
  4. Le consommateur et le citoyen sont ils la même personne ? [9]/ [4]
  5. Comment se construit l’avenir [6]
  6. Sait on ce que le passé nous réserve ? [9]/[12] sujet débattu

La question s’énonce comme une sorte de paradoxe. En effet, s’interroger sur ce qu’une chose nous réserve devrait s’adresser à une situation non encore vécue, autrement dit, à venir. De plus, la formulation, « ce que cela nous réserve », tend à nous mettre en garde de quelque chose !
Pour dépasser cet apparent paradoxe, il faut peut être accepter l’idée que nous ne connaissons pas totalement notre passé. Sans rentrer dans la différenciation entre histoire et passé, il y a des manipulations de l’histoire à dessein politico-économique, ou encore des dénis du passé à des fins psychologiques… il y a plus simplement ce que nous ignorons de notre passé parce que nos investigations ne se sont pas orientées dans cette direction (refoulement), que nos moyens, techniques par exemple, ne nous ont pas permis de découvrir telle ou telle situation. Il y a encore ce que nous connaissons mais ne comprenons pas. Il y a donc, sans être exhaustif, de multiples raisons qui font que nous méconnaissons tout ou partie de notre passé. C’est en cela que nous pouvons dire que notre passé est imprévisible et qu’une partie reste à découvrir. Mais faut-il s’en méfier ?

D’un point de vue collectif, l’Histoire semble se distinguer du passé lorsqu’elle, s’affranchit du vécu individuel. En effet, si une personne vit un événement, son sentiment premier sera personnel et sensible ; d’ailleurs, cet évènement n’est pas encore historique. Le passé ne devient l’Histoire que lorsque l’évènement marque la vie, d’une personne (c’est alors son Histoire personnelle), d’une société ou d’une nation durablement et qualitativement. Tout ce qui s’est écoulé de la vie fait partie du passé mais nous ne pouvons retenir de l’Histoire que ce qui va influencer le futur. Ce sont les évènements signifiants qui font l’Histoire.

D’un point de vue individuel, notre passé est un vécu, conscient, inconscient ou refoulé, qui influence notre parcours personnel. Il ne peut sans doute pas y avoir de neutralité de notre histoire sur notre itinéraire car le monde matériel et idéel dans lequel nous vivons constitue une expérience déterminante. Mais à partir de cette expérience, notre raison (notre conscience serait plus juste) peut en retour nous permettre d’influer sur notre avenir ; ne pas répéter les mêmes réponses dans les mêmes situations, c’est-à-dire apprendre, finalement. Il n’est cependant pas suffisant de connaître et de comprendre son histoire pour ne pas reconduire les mêmes actes passés.

Toute la dimension psychologique et notamment la sphère affective vient parasiter le pur raisonnement et nous amène à reproduire les mêmes erreurs, éventuellement. Il n’est d’ailleurs pas sur que se soit les mêmes erreurs qui soient en jeu, comme si nous étions inscrits dans un cercle vicieux. Il serait peut être plus pertinent de penser la reproduction dans un schéma ascensionnel où l’on re-produirait (c’est-à-dire produire à nouveau) des erreurs, non pas faute de compréhension du passé mais de l’avenir. Mais la connaissance de notre passé est elle toujours salutaire ? Pouvons nous toujours assumer la vérité, ou notre vérité n’est-elle pas suffisante à porter ? Est-ce l’occultation de la vérité qui est problématique ou sa révélation ?

Cette question pose un double problème. L’histoire est elle une lecture objective du passé ou une interprétation plus ou moins arbitraire ? Si l’on se place d’un point de vue universel, l’Histoire des sociétés, des nations, de l’humanité a-t-elle quelque chose à gagner à se tromper elle-même ? Mais les enjeux sont-ils si différents du point de vue individuel ? La recherche de l’objectivité semble simplement plus contrôlable à l’échelle collective qu’individuelle. Ce sont les caractéristiques de la science qui peuvent rapprocher Histoire et objectivité. _ L’introspection individuelle (même par le biais de la psychanalyse) paraît beaucoup plus arbitraire dans sa quête de vérité. Mais une fois encore, a-t-on besoin de la vérité pour vivre ou de sa propre vérité ?

Ce qui renvoie au deuxième volet du problème : la vérité objective répond elle à un besoin éthique ou a une nécessité pragmatique ? Vaut il mieux vivre dans le secret ou mourir dans la vérité ? De manière moins manichéenne, il semble difficile de considérer une société qui construirait son « contrat social » sur le mensonge (en tout cas la non vérité). Quant à sa propre existence, c’est peut être à l’aune de ses névroses que l’on mesure son besoin de vérité !

Il y a finalement moins de différences entre histoire personnelle et Histoire universelle qu’entre Histoire et passé. Il faut que du temps s’écoule pour construire l’Histoire, alors qu’en quelques millièmes de seconde notre passé s’écoule. Mais le passé existe-t-il vraiment ? Il semble que le passé n’est pas de réalité propre en dehors de ce que le temps lui offre comme qualité. Le passé se superpose au temps et n’existerait que dans lui. Selon ce critère, on peut également interroger la réalité du présent et de l’avenir. Celui-ci parce qu’il n’existe pas encore et qu’il est incertain ! Qui peut être sur que la seconde à venir advienne réellement ; quelque cataclysme ne va-t-il pas détruire la planète avant que j’aie fini ma phrase ?

Quant au présent si éphémère, nous l’attendons depuis si longtemps qu’il est déjà passé ! A bien y réfléchir, la seule certitude que nous puissions avoir n’est-elle pas celle du passé. On peut également ainsi avancer que le passé est le vecteur sur lequel s’est construit la vie (c’était alors le présent). S’il continue à exister, c’est par le retour présent que nous faisons vers lui, tant par le souvenir (la mémoire) que par l’agir (ce qui continue d’influencer notre histoire). Ainsi, on peut préférer à l’idée que le passé n’existe pas, l’idée que celui-ci a existé et continue d’exister. La preuve de son existence nous est fournie par la trace que nous laissons au monde (individuellement et universellement), c’est-à-dire le sens de notre vie. Nos histoires respectives se forgent à partir du chaos de notre passé.

Cette volonté de certitude du passé renvoie peut être à la nécessité quasi existentielle de laisser une trace. Ne faut il pas se pincer pour savoir si nous sommes dans la réel, vérifier la présence de nos fèces pour lutter contre le néant, produire une trace pour confirmer notre existence et affirmer notre identité ?!

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